Les points communs des prestations familiales

La branche famille et les prestations qui en découlent relèvent d’une physionomie assez particulière par rapport aux autres branches de la sécurité sociale. Tout d’abord, les caisses d’allocations familiales servent ces prestations sans différenciation de régime entre les salariés du privé et les travailleurs indépendants. Cette règle d’universalité ne souffre d’exception que dans le cadre des régimes spéciaux où les entreprises sont elles-mêmes chargées de verser les prestations à leurs personnels.

De plus, l’universalité de ces prestations vient aussi du fait qu’elles sont offertes même aux personnes n’exerçant aucune activité professionnelle (la condition d’activité a été supprimée en 1978). Là encore le mécanisme est différent des autres branches où l’ouverture d’un droit est souvent conditionnée au paiement tout au long de la vie professionnelle, de cotisations salariales.

Cette « anomalie » sur le plan de la protection sociale répond cependant à un but bien précis : encourager la politique nataliste de la France (qui passe aussi par des exonérations d’impôts) et ainsi éviter la situation démographique de nos voisins européens ayant des taux de natalité quasi nuls. De ce fait, les prestations sont universelles en ce qu’elles sont offertes à tous, mais  aussi en ce qu’elles sont sans conditions de ressources pour celles qui sont directement attachées à la prise en charge d’un enfant. En définitive, seulement un tiers des prestations dites familiales sont placées sous condition de ressources (ce que l’on appelle la « modulation » des prestations selon le revenu) mais remet tout de même en cause la généralité du système : la prestation familiale si elle est conditionnée n’est plus la contrepartie de charges familiales.

En 2012, ces prestations ont été versées à 30,6 millions d’allocataires qui ont perçu 64,4 milliards d’euros[1] de prestations de la part des Caisses d’allocations familiales (CAF).

En 2013, l’abandon de la règle d’universalité a été évoqué afin d’accentuer l’effet redistributif des prestations familiales : la généralisation de la condition de ressources et l’abaissement des plafonds ou la mise en place d’une dégressivité de la prestation en fonction de seuils de revenus en étaient les pistes principales. Ces pistes ont été abandonnées au profit de la piste fiscale consistant à abaisser le plafond du quotient familial, majorant ainsi l’impôt sur le revenu des familles avec enfants. La levée de bouclier en faveur de l’universalité des prestations était trop importante (la CFTC en était d’ailleurs le fer de lance).

En dépit de la diversité des règles applicables (qui ont compliqué la gestion) et des prestations servies, il subsiste quelques conditions communes dont nous exposerons les contours avant de s’intéresser à l’ensemble des prestations dans leurs détails.

Les conditions communes d’attribution :

Trois séries de conditions sont communes aux différentes prestations familiales : il s’agit de la charge effective et permanente d’un enfant, d’une condition de résidence sur le territoire français et d’un séjour régulier sur le territoire français pour l’enfant.

Charge effective et permanente d’un enfant : Un enfant doit être à la charge effective et permanente du bénéficiaire (art. L. 513-1 du CSS[2]) jusqu’à 16 ans (ou 20 ans en cas de poursuite des études, d’apprentissage ou de handicap). La charge effective et permanente inclut la direction tant matérielle que morale du mineur en cause ; cette condition n’étant pas remplie lorsque le département assume la charge financière de l’enfant au titre de l’aide sociale à l’enfance (art. L. 221-1 du CASF[3]). Pour le reste, il incombe à la CAF qui prétend avoir versé des prestations indues d’établir que cette condition n’est pas remplie. Le droit n’est reconnu qu’à une seule personne au titre du même enfant. C’est ce l’on appelle l’unicité de l’allocataire  (art. L. 513-1 du CSS).

Condition de résidence : Ensuite la loi pose une condition de résidence en France (Art. L. 512-1 et L. 512-2 du CSS). Mais le droit communautaire écarte, quant à lui, les clauses de résidence au profit du ressortissant communautaire affilié à un régime national de sécurité sociale. En contrepartie il pose le principe du non cumul des prestations servies dans les différents pays, assorti le cas échéant, du versement d’allocations différentielles (Règl. CE n°883/2004 du 29 avril 2004). Ainsi, il importe peu que l’enfant vive en France, tant que le parent allocataire travaille en France (dans le cadre du droit communautaire et des pays membres). Mais certaines prestations restent conditionnées à une résidence en France pour les enfants comme pour la PAJE et l’APL[4].

Séjour régulier sur le territoire français : Est enfin posée une condition de séjour régulier en France-voire d’entrée régulière sur le territoire-exigée aussi bien de l’allocataire que de ses enfants à charge. Les étrangers non communautaires ont besoin d’une autorisation de séjour sur le territoire pour justifier d’un droit aux prestations familiales (il faut que le séjour sur le territoire français soit régulier au sens de la convention ou du traité de droit international applicable).

Une autre règle est commune aux prestations familiales mais elle concerne le sort des prestations et leur utilisation plutôt que leur attribution. Il s’agit du caractère incessible et insaisissable des prestations familiales, sauf en cas de répétition de prestations indument versées à la suite d’une fraude ou pour le paiement de dettes alimentaires. En revanche, une tutelle pouvait être mise en place par la CAF lorsque l’argent des prestations n’avait pas été utilisé dans l’intérêt de l’enfant. Désormais, lorsque les prestations ne sont pas utilisées pour les besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé de l’enfant ou à son éducation, le juge peut ordonner qu’elles soient versées à un délégué aux prestations familiales qui devient alors l’attributaire des sommes. Ce délégué exerce auprès de la famille une action éducative visant à l’aider à devenir autonome dans la gestion de leurs prestations (Art. 375-9-1 du Code civil et L. 552-6 du CSS).

[1] Source : Manuel du droit de la protection sociale, Patrick Morvan, 6ème édition, lexis nexis

[2] CSS : Code de la Sécurité sociale

[3] CASF : Code de l’Action sociale et des familles

[4] PAJE : prestation d’accueil du jeune enfant, APL : Aide personnalisée au logement