DARES Analyses : L’organisation du travail à l’épreuve des risques psychosociaux
Dans son étude n°004 de janvier 2016, la DARES s’intéresse à l’impact de l’organisation du travail sur les risques psychosociaux.
Les modes d’organisation du travail et de management ont beaucoup évolués, aboutissant à un accroissement des formes de travail flexible, une intensification et une complexification du travail ainsi qu’une gestion de plus en plus individuelle des ressources humaines. Selon l’étude de la DARES, ces changements ont contribué à l’émergence de risques psychosociaux en milieu professionnel.
Les fonctions d’exécutants sont plus concernées par la tension au travail let le manque de reconnaissance
Il ressort des travaux de la DARES que l’exposition au job strain, c’est-à-dire la tension au travail (combinaison d’une faible latitude décisionnelle et d’une forte demande psychologique), varie selon la catégorie socioprofessionnelle.
La tension au travail sera particulièrement forte dans les catégories socioprofessionnelles cumulant une forte demande psychologique avec une faible latitude décisionnelle : employés administratifs, ouvriers non qualifiés, employés de commerce et de service…
A l’opposé, certaines fonctions demandent de fortes exigences au travail mais bénéficient d’une plus grande marge de manœuvre : cadres, ingénieurs, et cadres techniques de l’industrie.
Le job strain concernerait particulièrement les employés de la banque et des assurances, les ouvriers non qualifiés de l’électricité et de l’électronique et ceux des industries de process.
Le manque de reconnaissance s’exprime par l’impression de ne pas recevoir le respect et le mérite dû par leur travail ou que le travail n’est pas apprécié à sa juste valeur. Les principaux métiers concernés selon l’étude de la DARES sont les ouvriers de la mécanique, de la sidérurgie, du cuir, du bois, des transports et du tourisme. Dans ces métiers, il n’est pas rare que les salariés considèrent qu’on « les traite injustement dans leur travail » ou que leurs perspectives de promotion sont faibles.
La fonction publique hospitalière, particulièrement visée
La fonction publique hospitalière est, selon l’étude DARES, particulièrement touchée par les risques psychosociaux. Les agents ou salariés de cette fonction sont nombreux à déclarer être exposé au job strain, cela se matérialisant par le sentiment qu’on leur demande d’effectuer une quantité de travail excessive, notamment chez les aides-soignants et les infirmiers.
Des différences d’exposition selon le sexe
Les hommes et les femmes ne sont pas également exposés aux facteurs psychosociaux. Selon la DARES, en 2010, 26 % des femmes étaient dans une situation de job strain contre 21 % des hommes.
Les femmes déplorent principalement un manque d’autonomie ou de marges de manœuvres alors que les hommes déplorent particulièrement un manque d’estime pour leur travail. C’est notamment le cas des hommes affectés à des postes d’exécutants occupés majoritairement par des femmes : nettoyage, gardiennage, entretien ménager, secrétariat et accueil.
Des risques psychosociaux renforcés par certaines contraintes organisationnelles
Ce que la DARES appelle des « contraintes organisationnelles » peut fortement jouer sur la probabilité de se trouver dans une situation de tension au travail. Ces contraintes organisationnelles peuvent être le fait de travailler de nuit, de devoir souvent interrompre son travail, de ne pas avoir d’informations claires et suffisantes pour faire correctement son travail, de travailler au-delà des horaires officiels prévus sans compensation… Ces contraintes organisationnelles ont en commun de renforcer l’exposition aux risques psychosociaux.
Le fait d’être en contact avec du public, de vive voix ou par téléphone est aussi une source de tension puisque 10 % des salariés qui y sont soumis déclarent vivre des tensions.
Ne pas être en mesure de faire correctement son travail est également un facteur de risques psychosociaux. Cela résulte alors d’une inadéquation entre les objectifs fixés aux salariés et les moyens effectifs dont ils disposent pour les atteindre. Ainsi, les salarié qui déclarent ne pas avoir assez de moyens matériels, d’informations, ou de coopération avec leurs collègues pour « faire correctement leur travail ont une plus forte probabilité d’être tendus.
Enfin, des « objectifs chiffrés précis à atteindre » participent, pour 34 % des salariés qui y sont soumis, à un risque plus élevé de tension et de manque de reconnaissance au travail, ce que la DARES explique probablement par la pression que les objectifs à atteindre font peser sur les salariés.
En revanche, l’entretien d’évaluation individuel et annuel des salariés est considéré comme un facteur protecteur du manque de reconnaissance, dès lors que ces entretiens reposent sur des critères « précis et mesurables ».
Un impact sur la santé évident
Lorsqu’ils sont exposés aux risques psychosociaux, les salariés perçoivent leur état de santé mentale ou physique comme étant « dégradée ». Les femmes sont d’ailleurs plus nombreuses à considérer que leur état de santé est altéré (20 % contre 16 % chez les hommes).
A titre d’exemple, le manque de reconnaissance du travail effectué multiplie, selon l’étude, par trois la probabilité de signaler un état de santé général moyen, mauvais ou très mauvais.
Cet impact sur la santé se répercute inévitablement sur les arrêts de travail pour maladie. Il résulte en effet de l’étude menée par la DARES que « les salariés exposés aux facteurs psychosociaux déclarent plus souvent des absences pour maladie, et en nombre plus important ». Le risque de cumuler au moins trois arrêts de travail dans l’année est doublé pour les salariés qui subissent des tensions, et triplé (ou quadruplé pour les hommes) pour ceux qui déclarent manquer de reconnaissance.