Tribune Libre : Nouvelle philosophie managériale
Nouvelle philosophie managériale par Bernard IBAL
L’utilisation des réseaux sociaux professionnels ne sert pas seulement à trouver par le biais de ses correspondants et de leurs propres réseaux, des postes plus intéressants pour la carrière de chacun.
Depuis peu mais en croissance exponentielle les réseaux sociaux professionnels permettent de trouver sur le web planétaire des compétences que l’entrepreneur ne trouve pas sur place. Les managers jettent des appels numériques comme on jette des bouteilles à la mer dans l’espoir que quelqu’un vienne les aider. Des collaborations innovantes se nouent ainsi pour le temps d’un projet, ou plus si nouvelles affinités techniques.
A ce nouveau mode de management des technologies et des ressources humaines, les Anglo-Saxons donnent le nom de CROWDWORKING qu’on peut traduire par appel à la foule pour résoudre un problème professionnel. Le nouveau collaborateur qui répond et correspond à la demande n’a pas toujours besoin de rejoindre l’entreprise, il peut travailler par télétravail ou imprimante 3D, ces imprimantes qui produisent des objets à distance en de multiples matériaux. Réciproquement on peut offrir ses services et compétences sur ces réseaux sociaux. Beaucoup de start-up fonctionnent ainsi, mais aussi de grandes entreprises.
Cependant il y a aussi beaucoup d’ambiguïtés : par exemple quant aux statuts de ces nouveaux collaborateurs temporaires : salariés ? indépendants ? consultants ? Que deviennent les cotisations sociales et la fiscalité ? Avantages et risques de la société collaborative ! L’entreprise n’a plus la même structure. Le capital social amassé par ces multiples contacts numériques, souvent trié par l’intelligence artificielle, est sans doute désormais aussi important que le capital financier. Ce dernier se constitue aussi par les réseaux sociaux professionnels : c’est le capital participatif.
La localisation, le périmètre, les limites de l’entreprise s’effacent, l’entreprise s’éparpille. Ses partenaires occasionnels et ses sous-traitants ponctuels sont dans un turnover accéléré. La gouvernance est dans un paradoxe : par les réseaux sociaux professionnels elle est proche de partout dans le monde, mais en interne elle s’éloigne de ses propres travailleurs.
La mentalité managériale change. Jusqu’ici les top managers s’efforçaient sans cesse de consolider l’entreprise dans le souci d’une cohésion et d’une pérennité. Depuis peu l’entreprise accentue les stratégies d’ouverture à l’altérité, à l’autrement, à l’ailleurs, aux hasards des contacts et idées nouvelles, à la surprise, à la découverte. C’est exaltant mais aussi très stressant. Peut-on encore prendre parfois son temps pour réfléchir, plutôt que d’être toujours embarqué comme disait déjà Pascal ?
Bernard IBAL
Président d’honneur de la CFTC Cadres