Le sexisme dans le monde du travail : entre déni et réalité
Un rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) a été rendu à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
Selon une enquête menée par le même CSEP en 2013, 80 % des femmes considèrent être régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes qui impactent leur confiance en elles, leur bien être au travail et leurs performances.
► La première partie du rapport s’attache à définir la notion de sexisme qui peut recouvrir différentes formes et manifestations. En effet celui-ci peut être explicitement hostile (et s’approche alors de la misogynie ex : les femmes sont incapables d’être des leaders) mais peut également s’envelopper d’une certaine bienveillance (par exemple la fausse séduction ou la soit disant complémentarité des compétences).
Quelles que soient les formes que revêt le sexisme, explicite ou implicite, ainsi que son intensité, les conséquences sont toujours nocives pour le bien être des femmes au travail. Cela génère des problèmes de santé mentale ou physique, de l’insatisfaction de ces salariées dans leur emploi et dans leurs relations professionnelles.
► La deuxième partie du rapport s’intéresse au sexisme dans le droit pour constater que la notion de sexisme lui est quasiment inconnu.
La Belgique fait figure d’exception puisqu’une loi de 2014 incrimine « le sexisme » et le définit comme « tout geste ou comportement, qui a manifestement pour objet d’exprimer un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer comme inférieure ou de la réduire essentiellement à sa dimension sexuelle, ce qui porte atteinte grave à sa dignité ». Considérer une femme comme étant inférieure en raison de son sexe ou mépriser une personne parce qu’elle ne correspond pas au rôle attendu des femmes ou des hommes dans la société est donc constitutif de sexisme. Le sexisme est alors sanctionné par une comparution devant le tribunal correctionnel qui peut prononcer une peine de prison allant d’un moins à un an et/ou d’une amende d’au maximum 1.000 €.
En France, il n’y a pas d’incrimination particulière du sexisme, mais trois dispositions permettent néanmoins de le sanctionner. D’une part les délits d’injures, de diffamation et de provocation à la haine et à la violence fondée sur le sexe peuvent être mobilisés, bien qu’elles n’aient pas donné lieu à des condamnations par la Cour de cassation. D’autre part, le délit de harcèlement sexuel a été élargi en 2012 aux propos et comportements sexistes. Enfin, le délit de harcèlement moral peut être mobilisé par des personnes victimes de comportements sexistes. Le droit du travail n’apporte pas de réponse spécifique à cette problématique et doivent être mobilisés les dispositions relatives aux discriminations à raison du sexe ou la prohibition de tout agissement à raison d’un critère prohibé (dont le sexe).
La principale difficulté tient au fait que les comportements sexistes sont particulièrement difficiles à établir du fait de la charge de la preuve matérielle des agissements qui pèse sur la victime.
► Une troisième partie aborde les instruments de régulation et de sensibilisation pouvant être mis en œuvre au sein de l’entreprise. Il ressort du rapport que tant les règlements intérieurs des entreprises que les chartes d’éthiques sont souvent muettes sur le sujet. Le pouvoir disciplinaire de l’employeur reste l’outil le plus efficace car il semble que certains employeurs n’hésitent pas à en faire usage pour sanctionner des comportements sexistes.
D’autres acteurs, dans ou hors de l’entreprise, peuvent également se saisir du sujet, qu’il s’agisse des institutions représentatives du personnel, du CHSCT qui a pleine compétence en la matière, des partenaires sociaux en général ou de l’inspection et de la médecine du travail. La CFTC Cadres milite d’ailleurs dans le sens d’une responsabilisation de tous ces acteurs sur le sujet du sexisme au travail.
► La dernière partie du rapport permet de dresser comme constat que le sexisme est contraire à l’égalité, fait peur, qu’il est grave et a des conséquences négatives sur la performance. Il est également constaté que le sexisme recouvre de multiples formes et surtout, qu’il requiert des réponses fortes. Partant, le rapport délivre 35 recommandations réparties en 8 axes. Les ministres Marisol Tourraine et Pascale Boistard (Secrétaire d’Etat chargée des droits des femmes) ont annoncé retenir plusieurs axes de travail, notamment :
- L’amélioration de la connaissance du sexisme au travail, via le développement de questions sur le sujet dans les enquêtes pilotées par les administrations
- La formation des acteurs de l’entreprise et du monde du travail grâce à des modules de sensibilisation et des outils clé-en-main
- La valorisation des bonnes pratiques des entreprises qui s’engagent dans de meilleures relations professionnelles entre les hommes et les femmes
Pour la CFTC Cadres, les propositions retenues par la ministre sont décevantes alors que d’autres, plus efficaces et plus fortes selon nous, auraient pues être reprises, notamment :
- La codification dans le code du travail des « agissement sexistes »
- Inciter les entreprises à insérer dans leurs règlements intérieurs des dispositions relatives aux comportements à adopter entre les femmes et les hommes et l’introduction de sanction pour tout comportement ou propos sexistes
En tous les cas le sujet du sexisme est posé avec force grâce à ce rapport. Il ne tient qu’à nous de nous en saisir.